jeudi 29 novembre 2012

La Famille Michalon

Je me dois d’apporter quelques précisions sur la famille Michalon dont le nom apparaît dans la chronique consacrée aux frères Gros.

 

En famille

 

De quelque côté qu’on prenne Madame Michalon, et quelque impartialité qu’on y mette, on ne peut lui trouver que des défauts ; pas le moindre coin de bonté ou d’indulgence, aucun de ces mouvements de bienveillance ou de sensibilité que viendrait seulement gâcher une réalisation maladroite. Florence, puisque tel est son prénom, est une nature vigoureuse, coriace, entreprenante qui doit dépenser un trop plein de flux d’énergie dans une activité inlassable et désordonnée. Cette  vigueur, elle aurait pu la mettre au service d’une cause respectable en se dévouant à son entourage, mais elle a préféré l’utiliser à des fins égoïstes pour satisfaire sa rude convoitise et sa rage d’autocratie.

Prenons les choses par le commencement : Florence nait dans un foyer aux origines modestes, d’un père contremaître dans le bâtiment. Elle fait des études de secrétariat avant d’être un moment employée dans le cabinet de l’avoué René Moisson, futur président du conseil de la IVe République. Curieusement, cette femme intraitable gardera les meilleures relations avec son ancien patron. Il sera d’ailleurs présent en 1962 au repas qu’elle donnera pour la communion solennelle de son fils aîné, Jean-Yves.

Elle rencontre le juge Xavier Michalon au lendemain de la guerre alors que celui-ci, de retour d’Allemagne où il est resté en captivité pendant plusieurs années, vient de rompre son union avec sa première épouse dont il a divorcé pour des raisons qui ne sont pas officiellement connues mais qu’on imagine sans mal. Florence le séduit aisément : grande, bien en chair, libre de manières, c’est un type de femme qui attire les hommes par son épanouissement et sa santé. Le relâchement de son éducation, le charme trivial qu’elle dégage, son aplomb calculateur auront vite raison des défenses du magistrat, esseulé et trop peu dégourdi pour résister à cette fée. On peut la dire appétissante. Ses traits, s’ils manquent de finesse, sont réguliers quoique sa bouche dont le rouge à lèvres corrige le dessin naturel, soit trop mince ; l’expression des yeux est vive mais s’enflamme, dure et aiguë, lorsqu’elle spécule sur le parti à tirer des circonstances ou des êtres qui la côtoient.

 Monsieur Michalon est, lui, un brave homme, rond au propre comme au figuré, mou avec une vocation avouée d’homme d’intérieur. Jovial, il a pour habitudes de fumer la pipe revêtu d’une veste d’intérieur molletonnée à brandebourgs, de parcourir les classiques de la littérature où il trouve Dieu sait quoi de commun avec l’univers conjugal qu’il s’est forgé, et de barytonner d’une voix grasse des refrains indécis. Il affiche en règle générale un optimisme amusé, juste coupé de quelques colères tapageuses et stériles qui n’effraient personne et s’éteignent au premier acquiescement de l’épouse, laquelle prend pour la circonstance un ton timide et soumis dont l’humilité désarme l’ire de son seigneur et maître. Il est net que Madame Michalon a pour vocation de porter la culotte ; et de fait, elle va pendant trois décennies régner en virago sur son ménage.

Pour résumer la psychologie protéiforme de Florence Michalon il faut en extraire le trait fondamental qui est sa terrible soif de domination. Sauf les concessions de pure forme qu’elle consent dans les cas extrêmes à l’autorité de son mari, elle asservit aussi bien celui-ci que leurs enfants et leur domesticité aux lubies d’un arbitraire incessant. Ce sont des criailleries, des réprimandes, des injonctions, des consignes, des sommations, des ordres systématiques, destinés à apaiser une maladive passion de l’autorité. En toute chose elle intervient, censure, légifère, prohibe, châtie comme un roitelet tyrannique et absolu.

La maison des Michalon, située à l’extrême limite du centre-ville, en lisière de la banlieue Est, à quelques centaines de mètres du cimetière monumental, est tenue avec un soin jaloux, rutilante comme l’aire d’exposition d’un fabricant de meubles industriels. Tout est verni, laqué, recouvert de napperons, ciré, protégé par des housses. Des patins de feutres sont rangés à l’entrée de la salle à manger ; les familiers qui ont accès au saint des saints du gynécée Michalon sont priés de les placer sous la semelle de leurs chaussures afin de ne pas risquer de ternir les reflets d’un parquet miroitant. Les enfants, quand ils regardent la télévision le jeudi après-midi sont assis droits sur leur chaise, avec interdiction de poser les mains sur la table qui se tient trente centimètres devant eux, « pour ne pas salir ».

Jusqu’à un âge avancé, ils n’auront pas la permission de sortir dans la rue sans être accompagnés. Jean-Yves a dix-huit ans, qu’il dîne encore le soir avec les plus jeunes avant le repas de ses parents. Pendant le déjeuner de midi, la parole appartient à la maîtresse de maison qui gourmande, interroge sur les résultats scolaires qu’elle surveille d’un air inquisiteur et interpelle ses fils et son mari par leur nom patronymique : « Dis donc, Michalon ! » quand ce n’est pas, sous sa forme abrégée, « Dis donc Miche ! ». Les jeunes bonnes qui défilent chez elle sans trop s’attarder, revêtues d’une même blouse bleue ornée d’un col et de poignets de corsage blancs, essuient les plâtres d’incessantes réformes domestiques. Florence les cueille à l’assistance publique qui lui fournit son contingent de soubrettes à peine sorties de l’enfance sur lesquelles elle s’entend à exercer un pouvoir tracassier et sans entrave. Les plus rétives à ce régime d’encasernement finissent sourdes sous la voie claironnante de la maîtresse de maison, les attrapades et les directives contradictoires lancées à la cantonade d’un étage à l’autre de la maison.

Madame Michalon, comme je le disais, veille de la façon la plus vigilante sur la scolarité de ses enfants. Elle les fait travailler le soir après l’école, contrôle leurs notes, leur défend les distractions de leur âge pour les rendre d’autant plus besogneux et les soumet à un système d’interrogatoires et de punitions qui entretient autour d’elle une atmosphère de terreur à laquelle elle prend un plaisir féroce. Elle se repait des plaintes, des grincements de dents, des vexations de son entourage ; elle jouit à l’idée de vaincre les résistances, de plier les siens à ses exigences despotiques dont le courant endiablé est nécessaire à son équilibre. C’est ainsi qu’elle règlemente avec un appétit carnassier tous les détails de la vie familiale, pour s’offrir autant de possibilités de réprimer des infractions absurdes ; qu’elle formule des préceptes dans le seul espoir de les voir transgresser et de se ménager autant d’occasions d’humilier les fautifs. La plus grande des soumissions ne parviendrait pas à satisfaire Florence tant ses lois capricieuses fluctuent et se contredisent. Telle une fois, l’apostrophe adressée à Marie-Sophie : « Allons, ma fille, ne reste pas toute seule dans ta chambre, va jouer avec les garçons ! » devient vingt minutes plus tard, à la suite d’un revirement mystérieux, la consigne opposée : « Marie-Sophie, arrête d’embêter les garçons, remonte dans ta chambre ! »

(à suivre)

samedi 10 novembre 2012

Les Joies du camping (1972)

Le terrain de camping de la Faute-Sur-Mer est désert en ce début de mois de septembre. Une dame d’une soixantaine d’années qui occupe avec son mari une tente un peu plus loin, nous parle de son petit-fils, âgé de quatre ou cinq ans. L’enfant est à ses côtés.

– Il nous donne du souci, vous savez. Il n’est pas solide, cet enfant. Il n’a pas de santé. Regardez comme il est peu développé pour son âge ! Il a fait du rachitisme quand il avait deux ans, ça se sent. Il tient de son père qui est fragile. Ce n’est pas comme son frère aîné qui a six ans : il est fort celui-là, vous verriez ! Il est de notre côté au contraire, râblé !

Par politesse nous défendons la cause du petit souffreteux :

– Il ne semble pas si mal portant que cela.

– Non, reprend l’intarissable grand-mère. Ce n’est qu’une apparence : il est gonflé !

Sans transition elle nous salue avant de regagner sa tente :

– Enfin, on est là pour oublier…

Elle s'éloigne, en chapitrant le malheureux marmot :

Si tu en laisses dans ta culotte, tu auras une claque !


 

 

mardi 6 novembre 2012

La Famille Gros (suite n°V)

(Au palais de justice de Mirmont, les membres du « petit personnel », comme on disait à l’époque, étaient plus sensibles à l’influence pernicieuse des dossiers criminels dont ils humaient le fumet roboratif dans les aîtres de la Cour, qu’à l’idéal de rigueur morale qu’aurait dû leur inspirer la fréquentation des magistrats. Ainsi Jules qui était l’équivalent d’Arthur pour le parquet général, était intempérant et battait sa femme. C’était d’ailleurs son beau-père, Joubert, lui aussi employé à la cour d’appel comme concierge, qui lui avait donné l’habitude de s’enivrer. Jules fut congédié à la suite d'une triste affaire qui le conduisit sur les bancs de la correctionnelle : il avait été signalé à la police par des filles attablées à la crêperie La Malouine, à l’intention desquelles, placé sous l’une des portes du palais, il dévoilait la plastique avantageuse d’une partie intime de son anatomie.)

Qu’advint-il de Gilles Gros ?

Cet étudiant si prometteur a fait, comme on pouvait le prévoir, une brillante carrière dans l’administration préfectorale et au ministère de l’intérieur. Après avoir débuté par des fonctions de secrétaire général, il fut nommé sous-préfet aux Sables d’Olonne. Là, pour marquer sa modernité, il fit repeindre en orange, dans le goût du design pompidolien qui régnait encore en province, les plinthes, les chambranles, les lambris de bois et les huisseries de la sous-préfecture. Il dota en outre le salon de réception de l’édifice républicain de deux lustres volumineux composés de grosses boules de verre reliées à une attache centrale, d’où pendaient et remontaient vers le plafond des fils électriques recouverts d’une épaisse gaine en caoutchouc noire, qui restèrent en place et témoignèrent des idées avancées du sous-préfet Gros jusqu’à la fin des années 90. Gilles avait beau considérer l’institution à laquelle il appartenait comme uniquement justifiée par la possibilité qu’elle lui donnait d’y faire carrière, il était néanmoins imbu de cette fatuité professionnelle qui, avec l’âge, ne se satisfait plus de ses propres réalisations et veut attribuer à ses ambitions un sens supérieur, propre à relever l’éclat de sa réussite par l’estampille du bien commun. En mal de cette honorabilité dont le besoin finit par tarauder les plus cyniques, Gros accoucha après trente ans de bons et loyaux services dans l’administration française d’un livre au titre immodeste et vague qui restera dans les annales de l’édition française comme l’un des fleurons de la rubrique des invendus ; il y énonçait de profitables leçons de civisme et exposait solennellement des idées de réforme maintes fois ressassées avant lui, pour conclure qu’il était urgent d’améliorer un état de chose auquel il avait collaboré sans répugnance pendant trois décennies. « Ma France », tel était le titre de ce digeste de réflexion politique. Entre temps, Gilles Gros avait donné à la Société de son temps les gages de droiture et d'abnégation dont Marie-Pascale Lambert, plus que quiconque, pouvait se porter garante.

J’ai gardé en mémoire l’arrivée en voiture de Gilles et de Marie-Pascale, tout jeunes mariés, dans le parc de l'ancienne abbaye où se déroulaient les festivités nuptiales… Je revois aussi Patrick, le visage fermé, le dos voûté, sombre et solitaire, assistant avec une expression tragique à l’enterrement de ses années de jeunesse dont son frère Gilles avait été le meilleur ornement ; et celui-ci, penché à la fenêtre arrière du véhicule, assis aux côtés de sa jeune épouse, balayant l’assistance d’un regard triomphant, malin et aigu…

Près de quinze ans plus tard, cette union, semblable en cela à bien d’autres, se dissolvait ; Gilles laissait sur le carreau une femme ulcérée et deux filles dont l’aînée, à peine adolescente, lui voua à partir de là une juste détestation et refusa de le revoir. Il avait décidé de faire don des premiers fruits de sa réussite professionnelle à une kinésithérapeute rencontrée au hasard d’une de ses affectations, dans le département de la Somme, en effaçant d’un trait les années où Marie-Pascale avait travaillé à l’amorce de sa carrière et s'y était pleinement dévouée.

L’ancienne étudiante Marie-Pascale Lambert avait finalement intégré le statut de femme divorcée dont elle s’était vantée, à peine quelque mois avant d’accepter la main de Gilles Gros, lorsque dans les couloirs de la Faculté de droit de Mirmont elle hélait une ombre fugitive comme étant celle de son ex-mari.

Voilà Ma France...

 

[Nous retrouverons Gilles et Patrick Gros dans La famille Michalon ci-après.]

 

 

 

 

 

 

samedi 3 novembre 2012

La Famille Gros (suite n°IV)

 

 

Par malheur pour Gilles, Alice éventa la manœuvre. Elle comprit que notre hôte avait fait en sorte de découvrir l’endroit de la galette où se trouvait la fève, et qu’il se proposait d’en faire hommage à Denise en lui donnant la part qui contenait le précieux ajout. Alice, mi-plaisante, mi-sérieuse, dénonça tout haut la supercherie et réclama une nouvelle distribution du gâteau, sans fraude cette fois. Gilles en fut quitte pour s’incliner ; beau joueur, il fit semblant de s’être livré à une tricherie innocente qui n’avait d’autre but que d’être surprise et d’amuser la compagnie ; et, forcé de remettre au hasard le succès de son industrieux manège, il obtint de la chance qu'elle désignât Rémy Ervel pour le roi, lequel choisit bien sûr Alice comme reine.

Malgré son charme, la petite réception mit un terme à nos relations régulières. Ce n’est pas qu’à la suite de cet épisode les Gros renoncèrent à débarquer chez nous, mais nous sûmes leur témoigner une fraîcheur qui les persuada que leur venue n’était plus jugée opportune.

De fait, nous avions cessé tout contact depuis trois mois quand Gilles et Patrick se manifestèrent à nouveau et sonnèrent à notre porte avec une aisance imperturbable. Ils nous expliquèrent qu’ils regrettaient de ne pas nous voir plus souvent, et qu’ils se proposaient de remédier au plus tôt à cette lacune. La cause de leur revirement était claire : Gilles avait échoué auprès de Denise et sans désemparer l’avait, comme d’ailleurs son frère Rémy, reléguée au magasin des oripeaux. Il ne fut pas compliqué de les faire parler des Ervel ; Gilles avec sa passion du dénigrement ne rata pas l’occasion d’exhaler sa rancœur et de mettre les choses au point en nous signalant que la voie était pour nous redevenue libre. Denise jadis « charmante » se voyait à présent surnommée « rase motte », allusion gracieuse à sa petite taille. Elle était devenue « complètement à gauche, de plus en plus catho », il n’y avait « rien à en tirer : une vraie c…. ». Rémy avait sa part des amabilités : « Il empire ; il devient de plus en plus c…, morne, éteint. Et lui aussi il est P.S.U. maintenant. » Patrick approuvait, toujours d’accord avec son frère ; quoiqu'il n'eût pas le caractère retors de Gilles, il ratifiait tous ses points de vue, par mollesse et par une gourmandise paresseuse pour ses sorties assassines ; à la différence de son cadet, il n’y avait pas en lui de traits de malveillance et d’hypocrisie, si ce n’est, par apathie, ceux qu'il avait contractés au contact de ce frère trop astucieux et zélé.

(Patrick manquait d’assurance. Comme la plupart des personnes à qui il n’arrive jamais rien, faute de courage pour entreprendre ou de séduction, il adorait les intrigues tramées par son entourage, qui lui permettaient de savourer par procuration le piquant dont son existence était dénuée. Les volte-face menteuses de son frère, ses calculs, sa duplicité lui servaient continuellement d’excitant. Il les prisait d’un petit rire friand. Son meilleur ami, Hugon, un étudiant en médecine, avait de son côté des histoires extrêmement complexes avec un « gros boudin » du nom de Sylvie ou Sophie avec qui il se fâchait et se réconciliait à une allure ultra-précipitée. Patrick dans ce nœud de gaffes sentimentales et de coups de Jarnac jouait les intermédiaires, les messagers confidents, les arbitres et les négociateurs. Cela donnait une partie à trois sans gagnant ni perdant mais continuellement surabondante en péripéties.) 

Denise et Rémy Ervel discrédités, nous n’avions aucun désir d’investir la place laissée vacante par leur chute et les efforts que firent Gilles et Patrick en ce sens, restèrent sans réponse de notre part.

Que devint Denise Ervel ? Elle s’est mariée en 1971 contre la volonté de son père qui trouvait indigne de sa lignée l’éducateur spécialisé dont elle voulait faire son mari après l’avoir rencontré dans un groupe de jeunes catholiques qui avait abrité leurs amours naissantes pendant les vacances d’été. Cette mésalliance fut un baume pour la susceptibilité toujours à vif de Gilles, qui n’avait pas oublié, et surtout pas digéré, les rebuffades que la fille Ervel lui avait infligées.

Bien que dotée d’un physique assez ordinaire qui lui aurait permis, dans une escouade scoute, de postuler le totem de « marmotte étonnée », la charmante Denise Ervel ne manquait pas d’admirateurs… Gilles bien sûr. Mais aussi Arthur qui prit sa suite. Ce dernier était le planton du palais de justice de Mirmont que ses fonctions attachaient notamment à la première présidence.

Arthur avait su s’attirer l’estime de Monsieur Ervel par des manières aimables et empressées. Grâce à de nombreux services rendus en dehors de ses heures de travail, il était parvenu à se rendre d’une utilité envahissante dans le foyer du premier président. Il commença par lancer des œillades langoureuses à Denise, avant de prendre la liberté de l’appeler par son prénom et de lui tenir des discours indiscrets. Ne sachant quelle contenance adopter, celle-ci n’osait pas le rabrouer dans les formes qui convenaient ; elle se résolut à s’en ouvrir à son père qui, en homme mûr et indifférent qu’il était, ne s’alarma pas outre mesure des révélations faites par sa fille, dans lesquelles il ne voyait que les inventions pusillanimes d’une gamine. Mais il en alla autrement peu après quand il découvrit qu’Arthur, inspiré par la séduction que sa fille exerçait sur lui, avait creusé depuis le grenier un trou qui, traversant le plancher, donnait, à travers le plafond de la salle de bains, sur le cabinet où les divers membres de la famille Ervel vaquaient à leur toilette et à leurs soins d'hygiène. L’appartement de fonction du premier président étant logé dans une aile du palais à laquelle on pouvait accéder depuis les bâtiments judiciaires par un grenier commun, Arthur jouissait ainsi d’un observatoire de choix d’où il pouvait à loisir surprendre les ablutions les plus intimes du premier président et de ses proches. On peut penser que le serviteur modèle cantonnait son espionnage aux apparitions de la fille, de préférence à celles du père et même de la mère qui n’était plus de la prime jeunesse et de surcroît, à la suite de je ne sais plus quel accident, avait une jambe plus courte que l’autre.

Pris sur le fait, Arthur avoua son forfait et fut remercié sans scandale. Il s’avéra donc que Gilles, s’il n’avait pas poussé les investigations aussi loin, avait eu les mêmes curiosités qu’Arthur dont l’acharnement et la créativité attestent définitivement son bon goût.

(à suivre)