samedi 12 mai 2012

Monsieur CHARMOLUE (suite n°II)

D’ailleurs, les propos de Monsieur Charmolue trouvent à s’organiser sur un patron unique et interchangeable, dont l’idée-force réside dans cette constatation que le ministre de l’intérieur, Marcellin, est à l’origine de tous les maux qui accablent aujourd’hui la population française. (« Alors Monsieur Marcellin décida que […] mais quelques jours plus tard on apprenait que Marcellin […] or le ministre de l’intérieur en personne, Marcellin, déclarait à la presse […] justement peu de temps auparavant Marcellin avait interdit […] qui remarquait-on parmi les personnalités présentes ? Marcellin ! […] il fallait que le Conseil Constitutionnel rappelât au ministre de l’intérieur […] etc. ») Conclusion – pas si évidente que cela – : « On se demande ce qu’un homme comme Marcellin fait parmi les républicains indépendants. » ( !)

La proposition qui découle de cette rigoureuse démonstration pourrait s’énoncer, me semble-t-il, en ces termes : Si l’exécutif pompidolien s’évertue en toute occasion à plier les institutions au joug d’un pouvoir absolu, la chance a voulu que ses tentatives se soient soldées jusqu’alors par une succession de maladresses et de déconvenues cuisantes. Doit-on en déduire que les politiciens qui nous gouvernent seraient indignes d’accomplir leurs troubles ambitions ? Que nenni ! Pour le professeur Charmolue, certes, le gouvernement a battu plusieurs fois en retraite, mais ses reculs apparents ne sont qu’une rouerie de plus, la manœuvre d'une infernale patience guettant le moment favorable à l’instauration du « despotisme ». – Lorsque la population sera prête ! Ils attendent ce moment…

Selon les besoins de son argumentation, l’institution judiciaire apparaît à Charmolue, tantôt l’instrument des forces de la Répression, tantôt au contraire la garante des libertés individuelles résistant aux brutalités policières.

Cet attirail baroque et changeant devrait valoir à Charmolue la réputation d’un fantaisiste ou mieux, d’un fumiste. Mais il en faut apparemment plus pour émouvoir l’Université française… En bon publiciste, Monsieur Charmolue promène une désinvolture parasite, documentée et ornée de ce sens de l’humour que pratiquent, presque à leur insu, les esprits inutiles et faux qui s’en font une arme contre l’éventuelle clairvoyance des sots dont ils tirent leur sinécure. Sa source d’inspiration principale est Le Canard Enchaîné dont il a attrapé le style et où il puise ses exemples ; pour lui il n’y a pas de journal si indépendant, si honnête, ni d’informateur si rigoureux auquel il puisse aveuglément se fier.

Que dire de Charmolue en fin de compte ? sinon qu’il bafoue dans son cours la liberté d’opinion qui lui est si chère, puisqu’il mêle sans distinction les faits (exacts ou controuvés) et les interprétations qu’il en donne, obligeant ainsi les étudiants soucieux de leurs chances de réussite à débiter comme des vérités des points de vue subjectifs dont ils devraient pouvoir se démarquer, mais qu'ils sont contraints de ratifier devant l'examinateur pour ne pas encourir le grief d’ignorance ou d’incompréhension de la matière enseignée.

Car Charmolue a une botte de Nevers qu’il réserve à ceux qui ne sont pas de son avis, une clef dont l’usage est à peu près universel pour discréditer l’opinion d’autrui dès qu’elle s’écarte de ses convictions : « Vous, cela ne vous suffirait pas d’être heureux ! Pour que vous puissiez l’être, il faut en plus que les autres ne le soient pas ! » 

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