mardi 21 août 2012

L'Angoisse des "Trentes Glorieuses"

 Le bourrage de crâne à la mode consiste à persuader les étudiants qu’une fois sortis de l’Université il ne leur restera plus qu’à émarger au budget de l’Agence nationale pour l’emploi. Chaque semaine la presse hebdomadaire, friande d’une sociologie sensationnelle et dramatique, cite le cas d’un agrégé de philosophie obligé de postuler un simple emploi d’agent administratif, d’un polytechnicien tirant sa subsistance du Secours Catholique, d’un expert-comptable ou d’un notaire réduit à vendre des colifichets à la sauvette ou à « faire la manche », et tous autres exemples qui prouvent que les niveaux d’étude et qualifications professionnelles, même dans des secteurs jadis préservés, n’offrent plus aujourd’hui que des valeurs périmées sur un marché du travail exsangue.

À la faculté de droit de Mirmont le grand thème de récrimination, qui ressort chaque fois que le besoin se fait sentir de stimuler les forces du désordre, est le suivant : les crédits alloués sont insuffisants ; les examens seront invalidés en raison de l’absence de bons enseignants ; les diplômes seront sous-cotés parce que, vous le pensez bien, ils savent, eux, dans le secteur privé que…

Voilà trois ans que de pareilles doléances sont régulièrement proposées aux étudiants, avec grève universitaire à l’appui et cortège de rue pour expliquer les problèmes à la population et tenter de l’émouvoir sur le sort de ses élites. À chaque fois les revendications avortent auprès du rectorat, et la Faculté de Mirmont, comme un bateau ivre devenu le jouet des éléments déchaînés, continue sa course chancelante dans les bourrasques.

À Mirmont la cessation du travail par les étudiants et la paralysie des activités universitaires exercent sur les autorités administratives ou politiques une pression à peu près égale à celle que provoquerait une grève de la faim… d’où leur fortune très variable. Dans l’un et l’autre cas, le succès des réclamations formulées dépend moins des insurgés, et de leur détermination, que de la faiblesse, voire de la complaisance des institutions prises à partie

En cette année 1973, au début du mois de janvier, le jour même de la rentrée, la section de Sciences économiques répandait la nouvelle que la Faculté de droit ne pourrait tourner pendant une période supérieure à deux mois et que les examens passés dans ses murs seraient désavoués à l’échelon national. Il se trouvait des naïfs pour colporter ces bruits et y croire…

L’un d’eux à qui l’on apprenait que la licence en droit dans les années qui viennent ne compterait plus que trois années au lieu de quatre, eut instantanément ce cri du cœur :

– Trois ans ! Mais alors la nôtre va être dévaluée !

L’habitude.

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